La vie est parfois pleine de surprises… Grégoire mène une vie trépidante. À 31 ans, il jongle entre son rôle de député suppléant à Lille et sa carrière de consultant en communication. En mai 2022, il devient père.
La naissance de Romane, sa fille, n’était pas prévue. Cet événement inattendu bouleverse Grégoire, qui doit faire face à ce nouveau rôle. Entre les élections législatives, le refus de son employeur de lui accorder son congé paternité et les émotions intenses, il peine à trouver sa place. Aujourd’hui, il s’invente une nouvelle vie pour tout concilier. Grâce à sa fille, il mûrit et devient un homme. Voici le portrait d’un papa aux débuts tumultueux.
Une naissance imprévue
Grégoire et sa compagne se séparent en juin 2021 après huit ans ensemble. Deux mois plus tard, elle lui annonce qu’elle est enceinte. * »Elle m’a annoncé qu’elle était enceinte »* raconte-t-il. Sous le choc, Grégoire fait un malaise. * »J’ai eu besoin de temps pour digérer et comprendre. Je me voyais père à 35 ans, pas avant. Je voulais me consacrer à la politique avant cela. Son choix me semblait égoïste, sans prendre en compte mes peurs et mes doutes ».*
Pendant les six mois suivants, il se plonge dans son travail. * »J’ai fui le sujet. J’étais dans le déni. Il y a tellement de bonheur autour de la parentalité que je ne pouvais parler de mes doutes. Je me sentais comme un monstre. Je ne pouvais en parler à personne ».*
Un congé paternité entravé
Romane naît le 24 mai 2022. En plus de sa carrière politique, Grégoire travaille comme consultant dans une agence de communication à Lille. Dès l’annonce de la grossesse, il en informe ses supérieurs. Quelques mois avant la naissance, il leur indique son souhait de prendre les 28 jours de congé paternité, et non seulement les 7 jours obligatoires. * »À partir de ce moment, les tensions sont apparues. Ils avaient une vision traditionnelle, disant que c’était à la mère de gérer et que ma place était au travail. Plus la grossesse avançait, plus je me sentais seul ».*
À la naissance de Romane, Grégoire prend ses 7 jours de congé paternité mais doit rapidement retourner au travail. * »Je subissais des pressions psychologiques constantes. Mon employeur me disait que je devais revenir, que nous allions perdre des clients… ».* Chaque semaine, Grégoire demande à prendre le reste de ses jours de congé paternité, mais essuie un refus. * »J’arrivais épuisé à l’agence, avec les nuits courtes de Romane. Ils me reprochaient de ne pas assurer dans mon travail, d’avoir une trop sale gueule pour voir les clients. Mais ils n’acceptaient toujours pas de me laisser partir en congé paternité ».* Après quatre semaines, il craque. * »Je les ai affrontés et j’ai imposé mon congé paternité ».*
Début août, Grégoire découvre qu’il n’a pas reçu son salaire. Toujours en conflit, le service comptable de son agence n’avait pas géré les aspects administratifs de son congé. En difficulté financière, il doit demander de l’aide à ses parents. * »Cela ne m’était pas arrivé depuis 10 ans ! »* Mi-octobre, épuisé, il négocie son départ. * »Je me suis senti abandonné alors que j’étais très investi dans cette agence ».*
Trouver sa place en tant que papa
Les débuts de la paternité sont difficiles pour Grégoire. Lorsque sa fille naît, il est en pleine campagne législative. * »Je suis resté trois jours à la maternité puis j’ai été absorbé par les élections ».* Pris dans un tourbillon entre travail et famille, Grégoire a du mal à trouver sa place.
Avec le temps et les grands yeux de sa fille, il entre peu à peu dans son rôle de papa. * »Au début, je fuyais. Aujourd’hui, j’assume mon rôle et j’aime être avec ma fille ».* Séparé de la mère, ils n’ont pas encore saisi la justice pour organiser le temps avec Romane. * »On s’organise selon nos emplois du temps. J’ai un agenda très chargé, alors je bloque des créneaux. Je suis avec ma fille tous les matins, tous les samedis après-midis et quelques soirs par semaine. Je veux assumer mon rôle de père. Et aujourd’hui, c’est naturel pour moi d’être papa ».*
Mais il reste des incertitudes. * »J’ai du mal à me projeter car je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait. Si les choses ne s’arrangent pas, je ne veux pas arriver à une décision juridique car avant un an, c’est souvent la mère qui est privilégiée. Et j’ai peur de perdre du temps avec ma fille ».*
Un homme transformé
Huit mois après la naissance de sa fille, Grégoire continue de se transformer. * »Au début, je ne voulais pas trop changer. Je voulais garder une part d’immaturité, au moins avec mes amis. Mais la parentalité change beaucoup de choses. Ce qui a le plus changé pour moi est la relation au temps. Avant, je gérais ma vie comme je le voulais et les gens s’adaptaient. Avec mon rôle de père, je me suis responsabilisé ».* Et Grégoire de conclure : * »Je suis devenu plus homme et moins jeune homme ».*
Avec sa fille dans sa vie, il a dû réorganiser son quotidien pour trouver un équilibre. * »Ce n’est pas facile, j’ai mis du temps. Cela a été la quête la plus difficile pour moi ».* Pour Grégoire, c’est avant tout une question de choix. * »Je veux m’investir autant dans mon rôle de papa que dans mes activités professionnelles. Alors, j’essaye de m’organiser. De trouver le temps. De prioriser ».*
En parallèle, il essaie de ne pas s’oublier pour tenir sur la durée. * »J’essaie de ne pas m’oublier, d’écouter mes besoins. J’ai mis du temps à les comprendre et à les imposer à mon équipe politique aussi, comme le samedi après-midi où ils savent que je ne suis jamais disponible car je suis avec ma fille ».*
Un nouveau regard sur la paternité
Fort de son expérience, Grégoire souhaite changer les mentalités sur la paternité et la parentalité en entreprise. * »Il est essentiel d’informer sur le rôle du père. Montrer que le salariat n’est pas incompatible avec la parentalité. Et que la parentalité n’est pas seulement une affaire de femme. Entreprises et parents doivent avancer ensemble. La parentalité n’est pas incompatible avec la productivité. Si une entreprise soutient la parentalité, cela génère forcément de l’engagement de la part du salarié ».*
Le nouveau papa en est convaincu : * »Les entreprises doivent évoluer. Elles doivent respecter le choix du père de partager les premières semaines avec son bébé et encourager la prise de congé paternité ».*
En tant que député suppléant, Grégoire estime que l’État doit aussi évoluer. * »L’État, par le biais des différentes aides, a encouragé les parents à confier leur enfant à des nounous ou à des crèches depuis des décennies. On devrait repenser le sujet en laissant le choix : pouvoir garder son enfant à la maison plus longtemps ou continuer de travailler. Aujourd’hui, on t’incite à reprendre le travail rapidement alors que tu n’es pas prêt, physiquement et émotionnellement. La répartition fonctionne à l’envers ».* Il pense également que les mentalités doivent changer sur la perception du père dans la société. * »Nous sommes encore sur un modèle archaïque, patriarcal. Un père au foyer ou qui réduit son activité professionnelle sera forcément culpabilisé ».*
Un papa comblé
Avec le temps, Grégoire devient un papa comblé. * »Avec un bébé, ce n’est pas facile de trouver des interactions. Le premier sourire de Romane a été une émotion forte pour moi. En tant que nouveau papa, j’ai longtemps eu un syndrome d’imposteur. Mais lors de son premier sourire, je me suis enfin senti à ma place ».* Il n’en fallait pas plus pour se projeter. * »Je veux aider ma fille à trouver sa voie. Je souhaite qu’elle soit curieuse des autres et du monde. Et je rêve qu’elle puisse essayer plusieurs chemins pour être heureuse. J’aimerais qu’elle s’engage ».*
En devenant parent, on replonge souvent dans son propre passé. Grégoire ne fait pas exception. * »J’espère être un modèle pour ma fille comme mon père l’a été pour moi. Mon père travaillait beaucoup mais trouvait toujours le temps de me lire un Astérix le soir et de faire du sport avec moi. Je veux faire pareil pour ma fille et partager des moments forts avec elle ».*
Grégoire a déjà des moments forts en tête. * »Quand je rentre à la maison et qu’elle ne dort pas, Romane me fait la fête et me tend les bras. C’est mon cadeau quotidien ».* Avec le recul, il est définitivement un papa comblé. * »Son arrivée dans ma vie m’a été imposée au début. Aujourd’hui, c’est une source de bonheur intense. Je ne m’imagine pas ma vie sans elle… ».* Et de conclure : * »Je suis très fier d’être père ».*